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Questions-réponses sur la défense des droits 2SLGBTQI avec Ashley Smith 

Juin 2023

Entrevue réalisée par Ashley Flanagan, PhD

Ashley (il) est descendant de colons. Il vit à Winnipeg, un territoire concerné par le Traité n° 1. Il est récemment devenu le premier responsable de la défense des droits du Rainbow Resource Centre. En raison de l’augmentation récente de la rhétorique anti-queer, il est probable que vous le voyiez apparaître dans les médias en ce moment pour défendre les droits des personnes queer. Mais en coulisses, il supervise les équipes de communication et d’éducation lors de la création de Place of Pride par le Rainbow Resource Centre, le nouveau campus queer au 545 Broadway qui comprend le premier complexe de logements abordables pour les aîné·es 2SLGBTQ+ au Canada.

Q: Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le Rainbow Resource Centre et votre rôle de responsable de la défense des droits?  

En 1973, un club social gai de l’Université du Manitoba s’est renommé en Gays For Equality (GFE), en passant à un programme d’activisme et en commençant à lutter pour l’égalité des droits au Manitoba. Ce groupe étudiant a été en première ligne de nombreuses luttes précoces pour les droits. Au fil des années, les différents espaces de GFE sont devenus un sanctuaire, fournissant un accès à du soutien entre pair·es, des ressources et un sens de la communauté.  

Cinq décennies plus tard, ce petit groupe étudiant est devenu le Rainbow Resource Centre, le centre communautaire trans et queer le plus ancien encore en activité au Canada. Environ 17 personnes travaillent au centre à temps plein et une équipe de bénévoles soutient également les plus de 4 000 personnes qui s’y rendent chaque année. Dans le cadre de nos programmes dédiés aux jeunes et aux aîné·es, nos services comprennent du conseil, de l’éducation, des consultations AGH et de nombreux groupes communautaires menés par des bénévoles.  

En mai 2023, nous avons déménagé dans nos nouveaux locaux permanents au 545 Broadway. Bientôt terminé, ce campus de services queer nommé Place of Pride inclut un espace administratif, des programmes spécialisés, un espace culturel, un espace de vente, un jardin et le premier complexe de logements abordables pour les aîné·es 2SLGBTQ+ au Canada. Bien que la construction soit encore en cours, nous espérons pouvoir agrandir le nouveau bâtiment en 2025.  

Œuvrer au sein du Rainbow Resource Centre est le travail de mes rêves. La semaine dernière, nous avons célébré la marche des fiertés de Winnipeg. En revenant à ma routine de supervision de la communication et de l’éducation, je suis tellement reconnaissant de pouvoir faire un travail si enrichissant et créatif.  

Ces dernières années, en tant que coordinateur des programmes pour les aîné·es, j’ai développé un nouveau programme à temps plein pour le Rainbow Resource Centre dédié aux personnes 2SLGBTQ+ de plus de 55 ans, nommé Over The Rainbow (OTR). Au cours de ma carrière, le nombre de participant·es aux programmes a plus que doublé, avec un mélange de programmes virtuels et en présentiel qui se déroulent presque tous les jours. Pendant la pandémie, nous avons offert amitié et sécurité à de nombreuses personnes qui se sentaient en marge de la communauté queer, parce qu’elles avaient l’impression d’être trop âgé·es ou sorti·es trop tard du placard. À la fin de la pandémie, nous avions vraiment créé quelque chose de spécial. 

Ce printemps, nous avons entamé un nouveau chapitre au Rainbow Resource Centre : nous nous exprimons davantage dans les médias, nous développons notre campus de services queer et nous repensons notre manière d’éduquer. Il s’agit donc d’un nouveau chapitre prometteur qui commence pour nous, et en tant que premier responsable de la défense des droits du Rainbow Resource Centre, je tire parti de mon expérience dans les relations communautaires, la communication, l’éducation et la défense des droits 2SLGBTQ+. 

Q: Selon votre expérience, quels sont les problèmes les plus urgents affectant le bien-être et les droits de personnes âgées 2SLGBTQ+ et que faites-vous pour les résoudre? 

Au fil des ans, j’ai eu de nombreuses conversations profondes et personnelles avec les aîné·es 2SLGBTQ+. Cela m’a permis de savoir que la majeure partie des craintes viennent de l’incertitude de ce qui s’en vient au moment de commencer un parcours de soins. Tout commence par la peur des personnes de cacher à nouveau leur identité pour s’assurer de recevoir les soins auxquels elles ont droit. Certaines affirment courageusement : « Je refuse de retourner dans le placard », mais beaucoup se résignent : « Je vais sûrement devoir le faire si je veux pouvoir manger. »  

Par peur de la discrimination, de nombreuses personnes sont réticentes à accéder aux services de soins qui leur sont dédiés. Vers qui peuvent-elles se tourner pour obtenir du soutien lorsqu’elles sont les plus vulnérables? La plupart vivent seules, n’ont pas d’enfants et, si elles sont chanceuses, peuvent compter sur des ami·es du même âge pour obtenir du soutien. Ces personnes sur lesquelles elles s’appuient peuvent être limitées sur les plans économique, physique et mental. En fin de compte, personne n’aide vraiment personne. 

Imaginons que ces personnes commencent enfin un parcours de soins. Combien de fois devront-elles risquer de se faire discriminer et recevoir de la haine en sortant du placard à plusieurs reprises au cours de leur parcours ou celui de leur partenaire? Peu importe le sujet, les personnes impliquées ou le lieu : toutes les personnes 2SLGBTQ+ sont plus vulnérables lorsqu’il s’agit de l’accès aux soins. En raison de mauvaises pratiques et politiques administratives, surtout en naviguant entre différents types d’organisations (c.-à-d. religieuses ou à but lucratif) et en se déplaçant d’une région à une autre (urbaine vers rurale), il existe un risque de discrimination pour chaque personne que vous rencontrez lors d’un parcours de soins, et il peut y en avoir beaucoup.  

Ensuite, une fois sorti·e des soins à long terme ou palliatifs, existe-t-il des programmes qui vous sont dédiés et et vous offriront un sens de la communauté? Par conséquent, la personne qui ose entrer dans le système est de nouveau isolée, peut-être même plus qu’avant.  

Notre travail vise à :  

  • renforcer l’éducation concernant les services, en particulier ceux relatifs à la santé, auxquels les personnes 2SLGBTQ+ peuvent accéder,  
  • donner aux aîné·es les informations dont iels ont besoin pour se protéger pendant leurs parcours de soins,  
  • et contribuer à la reconnaissance du profil des aîné·es 2SLGBTQ+ dans la communauté au sens large, en leur permettant de raconter leurs témoignages et en s’assurant qu’iels ne sont pas négligé·es ou oublié·es.  

Q: Pouvez-vous nous faire part de quelques exemples d’efforts ou d’initiatives spécifiques relatifs à la défense des droits menés par le Rainbow Resource Centre pour soutenir les aîné·es de la communauté 2SLGBTQ? 

En premier lieu, grâce au franc succès d’OTR, nous avons créé un sens de la communauté pour nos aîné·es. Notre programme est axé sur des séminaires de santé et de bien-être, et offre notamment des occasions de parler de leurs droits et d’autodéfense, mais aussi de planification de leur vie future. Nous travaillons avec certain·es des meilleur·es développeurs·euses de ressources du Canada et nous les impliquons dans les conversations sur la santé globale et mentale, le logement, la planification préalable des soins, la fin de vie et le deuil. Nous les aidons également en matière de finances et de compétences techniques. Nous reconnaissons qu’iels peuvent vivre seul·es, faire face à des obstacles qui les empêchent d’accéder aux soins de santé appropriés et disposer de ressources limitées pour obtenir du soutien. Notre travail a pour but de garantir qu’iels sont soutenu·es autant que possible en créant une communauté qui leur est dédiée, où iels peuvent apprendre et partager. En bref, il faut un village… alors nous en créons un.  

Ensuite, nous constatons une transition importante au Manitoba, où davantage d’organisations s’efforcent de devenir plus inclusives et de pratiquer l’affirmation. Le nombre de groupes qui ont suivi nos ateliers et consultations DEI/GSA l’année dernière est à peu près équivalent à celui des deux années précédentes réunies. Grâce à l’apprentissage virtuel, nous avons doublé notre nombre de participant·es par rapport à nos ateliers en présentiel avant la pandémie.  

C’est une bonne nouvelle, mais il est temps de repenser notre manière d’éduquer.  

À mesure que nous commençons à naviguer dans les secteurs de la santé et des soins avec l’intention de former des équipes de plusieurs centaines de personnes à la fois, des travailleurs·euses en première ligne aux spécialistes en passant par le personnel d’entretien, nous ne pouvons plus compter sur les présentations en réunion ou sur Zoom, car il y a maintenant trop de monde pour que cela soit efficace. Pour satisfaire cette demande, nous collaborons avec des expert·es en systèmes de gestion de l’apprentissage pour créer des cours de développement professionnel de première classe, afin que de grandes équipes puissent suivre la formation à leur propre rythme et recevoir une accréditation professionnelle appropriée, sans avoir besoin d’un·e animateur·ice. 

Lors de la transition vers ce nouveau mode d’éducation « passive », nous nous engageons à conserver l’« aspect humain ». Nous souhaitons préciser que la formation DEI (Diversité, équité et inclusion) n’est pas qu’une simple formalité : il s’agit d’une question de vie ou de mort pour certaines personnes. Nous continuons à coordonner les sessions de questions-réponses virtuelles en groupe, les consultations administratives personnalisées, les rallyes d’entreprise et les modules de formation mis à jour tous les ans. Ce nouveau processus garantit que nous pouvons fournir des supports dynamiques et de qualité, tout en allégeant le calendrier de nos éducateurs·rices pour qu’iels créent davantage de contenu. Il s’agit d’un nouveau chapitre prometteur pour toute notre équipe pédagogique, qui propose des présentations DEI d’une manière ou d’une autre depuis les années 90.   

Dans le but de renforcer la reconnaissance du profil des aîné·es queer/trans, nous avons élaboré de nouveaux projets passionnants, comme notre récent partenariat avec le Manitoba Museum, avec qui nous avons créé l’exposition « If These Walls Could Talk: 50 years of 2SLGBTQ+ activism in Winnipeg » (Si ces murs pouvaient parler : 50 ans d’activisme 2SLGBTQ+ à Winnipeg). Première initiative de ce genre à Winnipeg, cette exposition utilise des affiches publiques et d’autres appels à l’action pour raconter l’histoire forte de la génération qui s’est battue pour les droits que nous avons aujourd’hui. Cette exposition a connu un succès retentissant dès son lancement le 26 mai, avec des représentant·es de toutes les provinces et différents fonctionnaires locaux se mélangeant avec les grands noms de l’histoire queer locale. Pour le reste de l’année, la stratégie marketing actuelle nous permet de faire entendre la voix des aîné·es 2SLGBTQ+ de Winnipeg et de sensibiliser les personnes aux problèmes qu’iels rencontrent.  

Toutes ces initiatives ne sont qu’un début, nous avons encore tellement à faire. Bien que des lois ont été adoptées pour protéger les droits des personnes queer, le véritable travail réside dans le changement de l’état d’esprit et des mentalités de la communauté. Notre mission est de nous assurer que les personnes 2SLGBTQ+ s’épanouissent, quel que soit leur âge.  

Q: Quels conseils donneriez-vous aux personnes ou aux communautés qui souhaitent soutenir et défendre les droits et l’inclusion des aîné·es 2SLGBTQ dans leurs propres régions ou organisations? 

Commencez sans attendre. On ne rajeunit pas.  

À titre individuel, vous devez savoir qu’il existe des aîné·es 2SLGBTQ+ queer autour de vous qui ont besoin de votre soutien. Demandez-leur comment iels vont, soyez un·e voisin·e exemplaire. Demandez-leur de partager leur histoire et écoutez-les. Intégrez-les dans votre communauté, soutenez-les. Mais surtout, avec la présence importante dans la rhétorique anti-queer et anti-trans dans l’actualité, assurez-vous de faire le point avec elleux : iels sont témoins de la remise en cause des droits pour lesquels iels se sont battus.  

Si vous appartenez à une organisation qui soutient des aîné·es, commencez en reconnaissant que vous avez des client·es queer/trans. Si vous pensez ne pas avoir de patient·es ou de client·es queer, c’est parce qu’iels ne se sentent pas assez en sécurité pour vivre de manière authentique avec vous. Si vous travaillez dans les soins de longue durée ou un hébergement communautaire, envisagez de créer un espace où les personnes queer/trans peuvent se rencontrer autour d’un café. Organisez un spectacle de drag. Diffusez un film racontant une histoire queer de temps en temps. Insistez sur l’utilisation de badges indiquant les pronoms pour le personnel. Faites tout cela de manière délibérée. Faites le point avec les centres de ressources 2SLGBTQ+ pour vous assurer que vous faites les choses bien et obtenir du soutien en cas de problèmes. Tenez-vous également prêt·e pour la prochaine personne âgée 2SLGBTQ+ qui franchira vos portes.  

Q: Comment peut-on vous contacter ou en savoir plus sur le Rainbow Resource Centre? 

N’hésitez pas à m’envoyer un courriel à l’adresse suivante : ashleys@rainbowresourcecentre.org. Vous pouvez également consulter notre site Internet pour en savoir plus sur notre histoire et nos projets futurs : www.rainbowresourcecentre.org.

Rainbow Resource Centre - 50 years (1973-2023)