April 2023
Entrevue par Ashley Flanagan, PhD
Celeste Pang, PhD, est agente principale de recherche chez Egale Canada. Ses recherches sont axées sur les enjeux liés au vieillissement, à la santé et au logement des personnes 2SLGBTQI.
Brittany Jakubiec, PhD, dirige la recherche chez Egale Canada. Son travail est axé sur les enjeux liés à la santé et à l’emploi des personnes 2SLGBTQI. Pour en savoir plus sur la recherche chez Egale, cliquez ici : Research – Egale (en anglais)
Melanie Schambach est une artiste sociale qui anime des projets de peinture participative auprès de groupes afin d’explorer les enjeux liés à l’identité, l’appartenance et les possibilités de changement social. Pour en apprendre plus sur le travail de Melanie, cliquez ici : Social Arts | Melanie Schambach, Participatory Paintings (en anglais)
Q : Parlez-nous de Favoriser le dialogue et de sa conception.
Favoriser les dialogues est né d’une foule de conversations et d’idées. Les préposé.es aux bénéficiaires (PAB) comme les membres plus âgé.e.s de la communauté LGBTQ+ ont des difficultés à travailler et accéder aux soins à domicile. On compte parmi ces enjeux les faibles salaires et les conditions de travail précaires de beaucoup de PAB, et pour les aîné.e.s LGBTQ+, une peur de l’homophobie, de la transphobie et du manque de sécurité dans le cadre des soins à domicile. Ces enjeux sont ancrés, entre autres, dans l’âgisme, le capacitisme, le racisme, le cishétérosexisme et la dévalorisation du travail du soin systémiques. Nous voulions regrouper des PAB et des aîné.e.s LGBTQ+ pour apprendre de nos expériences respectives et échanger à propos des notions de soins et de domicile, ainsi que du futur des soins communautaires. Nous souhaitions trouver des façons de lancer plus de projets de recherche artistique et nous avions connaissance des excellentes œuvres participatives de Melanie. Nous avons donc saisi cette occasion d’unir nos intérêts pour concevoir ce projet de recherche-action artistique de 12 semaines. L’obtention de la subvention Catalyseur des IRSC nous a permis d’offrir des honoraires aux participant.e.s, d’acheter le matériel artistique et de rémunérer Melanie en tant que collaboratrice artistique.
Q : Pouvez-vous nous parler davantage de la murale numérique collective créée durant le projet?
Au cours du projet, les participant.e.s ont utilisé l’art et le récit pour explorer les notions de domicile et de soins. Guidés par la main de l’artiste sociale (Melanie), les participant.e.s ont conceptualisé l’allure générale de la murale au travers de dialogues permettant d’envisager des traductions visuelles et ont fourni des commentaires sur les esquisses initiales. L’image générale a été divisée en 40 sections. Chaque participant.e a choisi au moins deux sections où exprimer leur art. Au travers de la poésie, de visualisations, de métaphores, d’exercices sensoriels et d’activités émotives, les participant.e.s ont acquis les outils créatifs pour donner à leur message une forme visuelle. Une section a été dédiée à la représentation de la réalité des soins à domicile, tandis qu’une seconde en dépeint un futur prometteur.
À l’échelle individuelle, le processus créatif permet de développer une conscience sensorielle, de renforcer la confiance en soi et de stimuler la motivation. Pour la communauté, l’élaboration d’une œuvre d’art collective peut améliorer le bien-être du groupe grâce à un travail collaboratif axé sur un objectif partagé. Il s’agit d’une démarche hautement interpersonnelle qui permet d’apprendre différentes formes de savoirs, tout en favorisant un sentiment d’appartenance à la communauté et la création de liens entre ses membres. Une partie du travail créatif implique de s’aventurer dans l’inconnu, d’accepter l’échec en tant qu’apprentissage et de faire tomber ses masques pour arriver à être authentique. Ceci peut inviter les participant.e.s à faire face à leur vulnérabilités et, par la suite, à créer un environnement d’empathie et de compréhension au sein du groupe. Cette méthode horizontale de cocréation peut remettre en question les idées préconçues et les comportements qui perpétuent les inégalités structurelles. La cocréation met l’emphase sur les voix trop souvent mal entendues ou mal représentées. Elle révèle les structures de pouvoir et réinvente les discours qui créent les systèmes de valeurs des participant.e.s.
Q : Pouvez-vous nous en dire davantage à propos de la recherche-action artistique et du potentiel de cette méthodologie dans la transformation des recherches et pratiques?
En termes généraux, la recherche-action artistique est une recherche qui utilise l’art à la fois comme base d’investigation et de production de savoir. Très souvent, on l’associe à d’autres approches de recherches qualitatives. Dans ce cas (comme décrit ci-dessus), nous avons conçu un programme d’engagement de 12 semaines axé sur les concepts des soins, du domicile et des soins communautaires. Les séances se déroulaient en alternance en mettant l’accent sur les dialogues et sur la création artistique, bien que ces deux aspects se soient fait écho tout au long du processus.
Nous avons remarqué que cette méthodologie a eu un impact à plusieurs égards. D’abord, elle a permis l’exploration et le partage de la vulnérabilité. Certain.e.s participant.e.s avaient des expériences artistiques antérieures dans les domaines de la littérature, de l’art du spectacle ou de l’art visuel, tandis que d’autres n’en avaient aucune. Nous avons constaté que la création artistique collective a permis d’étendre les horizons vers un avenir différent, notamment grâce aux possibilités de partager ses pensées, ses sentiments et ses intuitions par le biais de couleurs, de formes et d’images plutôt qu’avec des mots. Les séances de discussion ont été alimentées par les réflexions sur les œuvres des participant.e.s et leur processus artistique, ce qui les a conduit.e.s à appréhender différemment leur situation individuelle, mais aussi leur façon de communiquer avec leurs pair.e.s. La force de l’action-recherche artistique réside dans son emphase sur le processus, l’encouragement du sentiment de connexion et de compréhension, et l’imagination de possibilités nouvelles (dans ce cas, par rapport au futur des soins).
Q : Quels éléments cruciaux des soins, du domicile, et du futur des soins espérez-vous faire résonner auprès de votre public?
Beaucoup de choses! Une des conversations importantes relevées à propos de la notion de domicile tourne autour des différentes expériences et des sens que les gens rattachent au concept du domicile. Pour certain.e.s participant.e.s, le domicile était d’abord et avant tout un lieu physique, un endroit où iels pouvaient se sentir à l’aise et inviter des proches à leur guise. Pour les aîné.e.s LGBTQ+, ceci était particulièrement important à la lumière d’expériences d’insécurités dans des domiciles antérieurs et dans le monde en général. Pour d’autres, le domicile représentait surtout une sensation, comme le confort, l’incarnation de sa personnalité, les arômes, le rythme de vie et les paysages d’un pays d’origine. Ces conversations ajoutent plusieurs niveaux à la perception du domicile comme lieu de vie et de travail, répandue dans le domaine des soins à domicile.
Pour ce qui est du futur des soins, nous espérons que les personnes qui lisent le rapport et interagissent avec la murale seront inspirées à réfléchir à la situation actuelle des soins pour imaginer ce qui pourrait être et comment en faire une réalité. Beaucoup de gens souhaitent vieillir à domicile. Les soins à domicile ont besoin de financement plus important si l’on veut en faire une option réaliste, mais aussi rémunérer et soutenir adéquatement les préposé.es aux bénéficiaires.
Q : Où peut-on trouver la murale interactive et le rapport?
Pour voir la murale interactive et consulter le rapport, rendez-vous sur egale.ca/fostering-dialogues (en anglais).