Juliet 2023
Entrevue réalisée par Brittany Jakubiec
Susan Braedley, PhD, est professeure à l’École de travail social et directrice de l’Institut d’économie politique de l’Université Carleton. Elle est directrice adjointe du Partenariat CRSH, Age-Friendly Communities- in- Communities: International Promising Practices (« Des communautés adaptées à l’âge au sein des communautés : pratiques internationales prometteuses »), mais également chercheuse principale du projet de recherche financé par le CRSH, Bordering Aging, Bordering Care: Comparing Welfare State Approaches (« Aux frontières du vieillissement et des soins : comparaison des approches des États providences »). Son dernier ouvrage, édité en collaboration avec Pat Armstrong, s’intitule Care Homes in a Turbulent Era: Do they have a future? (« L’avenir des établissements de soins à l’ère des bouleversements ») et a été publié par Edward Elgar Press. Dans le cadre de son programme de recherche, Susan analyse les modalités des soins dans le contexte de l’évolution de l’État providence et des marchés. Son objectif : identifier les pratiques prometteuses qui permettent d’améliorer la vie des personnes aînées marginalisées et/ou opprimées, mais aussi de toutes les personnes qui veillent à leur bien-être, de façon rémunérée ou non. Hétérosexuelle, blanche et cisgenre, Susan travaille aux côtés de collègues, groupes communautaires, organismes et étudiant·es faisant partie de communautés marginalisées et opprimées, écoute leurs recommandations et les consulte longuement.
Q : Pourquoi était-il important de comprendre les notions de sécurité et d’accessibilité des services publics canadiens destinés aux aîné·es 2SLGBTQI de 55 ans et plus?
R : En tant que groupe, les aîné·es dépendent des services publics et les utilisent. Je parle notamment des services municipaux tels que les transports en commun, les centres de loisirs ou les bibliothèques, et des services provinciaux comme les soins de santé et les soins de longue durée. Il s’agit de services primordiaux, dont l’utilisation nous permet de maintenir un niveau de bien-être physique, social et mental à mesure que nous vieillissons. Il est donc essentiel que ces services soient accueillants, sécuritaires et accessibles pour les aîné.es 2SLGBTQI, peu importe leur origine ethnique, race, classe, handicap, genre, ou toute autre position sociale intersectionnelle. Si ces services ne sont pas sécuritaires et inclusifs, ils ne sont simplement pas publics!
Q : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les résultats du rapport de 2020 « La sécurité doit passer avant tout » : pour des services publics qui fonctionnent pour les personnes âgées LGBTQ2+ et les travailleuses et travailleurs LGBTQ2+ au Canada?
R : Pour les lecteur·rices 2SLGBTQI, les 5 principaux résultats de l’étude ne seront pas surprenants. Tout d’abord, les services publics se situent sur une échelle de sécurité pour les aîné·es et les travailleur·euses LGBTQ2+, allant de « non sécuritaire » à « très sécuritaire », la plupart se situant entre les deux. Ensuite, les aîné·es LGBTQ2+ constituent un groupe extrêmement diversifié en matière de sexualité, de genre et d’identité de genre, de temps écoulé depuis l’affirmation de leur identité et de degré de cette affirmation, de race, d’origine ethnique, de handicap, de statut socio-économique et d’éducation, entre autres. Il est impossible de démanteler totalement l’homophobie et la transphobie sans démanteler les autres systèmes d’oppression. Notre résultat le plus important, et le plus singulier : là où les travailleur·euses LGBTQ2+ sont plus en sécurité, les aîné·es le sont aussi, et inversement. Les conditions dans lesquelles sont offerts les services sont représentatives des conditions de travail. Ce qui nous amène à notre quatrième résultat majeur : le travail nécessaire pour rendre ces services plus sécuritaires et accessibles est effectué de façon disproportionnée par les travailleur·euses queer, dont ces tâches ne figurent souvent pas sur la fiche de description de poste et à qui l’on accorde que peu de reconnaissance, le tout effectué pendant des heures supplémentaires souvent non rémunérées. Cependant, notre dernier résultat montre que des organismes de services publics de premier plan ont élaboré des pratiques prometteuses, qui sont toutes décrites dans le rapport!
Q : À quoi ressemblent certaines de ces pratiques prometteuses visant à rendre les services sécuritaires et accessibles pour les aîné·es et les travailleur·euses 2SLGBTQI?
R : Sur les six pratiques prometteuses présentées dans le rapport, il faut commencer par le transfert de pouvoir aux communautés 2SLGBTQI (par exemple, inviter les aîné·es LGBTQ2S+ à siéger aux comités consultatifs et aux conseils de gouvernance). En effet, c’est sur cela que reposent totalement toutes les autres pratiques prometteuses clés du rapport, notamment : assurer la représentation des aîné·es LGBTQ2+ lors de l’établissement des politiques et des prises de décision, veiller à ce que cette représentation dispose du pouvoir nécessaire pour instaurer des changements, apporter des changements organisationnels, assurer l’équité en matière d’emploi, l’accessibilité et une formation solide de la main-d’œuvre.
Q : Avez-vous des ressources à recommander?
R : Je conseille de consulter le rapport de 2020 intitulé « La sécurité doit passer avant tout » : pour des services publics qui fonctionnent pour les personnes âgées LGBTQ2+ et les travailleuses et travailleurs LGBTQ2+ au Canada. Il détaille la façon dont les services publics au Canada peuvent être plus accessibles, sécuritaires et inclusifs pour les aîné·es LGBTQ2+ de 55 ans et plus.